L’Hôtel Goüin, un bijou de l’architecture Renaissance

Crédits : Steven Frémont

 

Figure incontournable de notre architecture tourangelle, l’Hôtel Goüin est bâti à la fin du XVe siècle.

De nos jours, au 25 rue du Commerce, seul le bâtiment emblématique de l’architecture Renaissance subsiste en fond de cour.

Lumière sur la chronologie d’une construction unique !

 

1.     De l’Antiquité à la Renaissance : Prémices d’un édifice emblématique

Grâce à son emplacement privilégié, l’histoire de l’Hôtel Goüin débute avec la naissance de la ville de Tours quand le premier empereur romain Auguste fonde Caesarodunum, la colline de César, à la fin du Ier siècle.

Selon Anne-Marie Jouquand (archéologue, INRAP), l’actuel monument est bâti sur les murs des entrepôts romains de la ville antique qui à cette époque, sont en proximité direct avec la rive. Ces vestiges ont été découverts cinq mètres sous notre sol. Malheureusement, la fouille n’a pas permis de révéler l’ampleur architecturale exacte de ces horrea (entrepôts). La parcelle a connu plusieurs remaniements jusqu’à la période qui nous intéresse, en accueillant notamment une maison romane au XIIe siècle.

D’après les analyses de Samuel Riou (archéologue, Conseil départemental d’Indre-et-Loire), il faut distinguer trois grandes phases de réaménagement de la parcelle entre 1490 et 1515.

Premièrement, les bâtiments existants sont rasés jusqu’au sol. L’espace libéré au nord-ouest de la parcelle est alors consacré à la construction d’un nouvel hôtel particulier.

Crédit : Base Mérimée, IA00071274.

Au nord, le bâtiment est doté d’une tour centrale pour accueillir l’escalier. Il devait s’agir de la façade principale, tournée sur l’ancienne rue du Lange et non côté Grand Rue (actuelle rue du Commerce). Au sud, la physionomie de la cour est différente.  Ses dimensions sont deux fois plus petites qu’aujourd’hui puisque deux maisons sont implantées en bordure de rue. Selon une dédicace trouvée dans l’escalier de l’Hôtel au XIXe siècle, cette phase d’aménagements pourrait avoir lieu en 1491.

La deuxième étape de travaux ne concerne que les maisons qui bordent la Grand Rue. Elles sont démolies puis reconstruites à l’identique. L’élévation et la distribution de ces habitations sont connues grâce à un acte de succession de 1599. Il s’agit de très hauts édifices à cinq niveaux.

 

2.     1510 : Une phase de travaux décisive qui modifie le style architectural

Crédit : Base Mérimée (IA00071274), plan vers 1785

La troisième phase de construction a lieu vers 1510. La transformation majeure consiste à inverser les fonctions des élévations nord et sud : la façade principale est désormais au sud, côté Grand Rue et s’embellit d’un somptueux décor.

La rue sur laquelle est maintenant orienté l’Hôtel, constitue un axe emprunté pour les entrées triomphales : « Le parcours d’honneur, celui des entrées royales, comme celle que fit triomphalement Louis XII en 1500 auréolé de gloire après la conquête du Milanais, reste bien la “Grand Rue” qui s’étire au prix de quelques sinuosités de la porte de la Riche à l’ouest jusqu’à la cathédrale à l’est. » (Tours 1500).

L’Hôtel profite alors d’un emplacement extrêmement privilégié dans la ville.

La bascule des façades nécessite quelques aménagements. Un passage de 2m est percé dans les habitations qui bordent la Grand Rue pour permettre l’accès à l’Hôtel en fond de cour. Ces maisons sont détruites bien des siècles plus tard par la famille Goüin qui profite du nouvel espace pour créer un portail monumental de style Néo-Renaissance, encore visible aujourd’hui.

L’ancien premier étage devient un rez-de-chaussée surélevé. Il est alors indispensable d’ajouter un perron, celui-ci donne un aspect monumental à l’Hôtel. Les fondations sont consolidées pour permettre l’implantation de la nouvelle façade richement ornementée. Elle est dotée d’un avant-corps à trois élévations (porche d’entrée, loggia et lucarne), doublé de deux avant-corps latéraux plus étroits mais plus saillants sur la cour également à trois niveaux d’élévations (loggia, petite salle voûtée et toit-terrasse faisant office de balcon). Pourtant dissymétrique, la façade est parfaitement ordonnancée.

Il s’agit d’un concept architectural inédit pour l’époque, certainement inspiré de compositions italiennes comme les palais vénitiens ou d’architectures imaginaires : « On voit en effet des structures de ce type placées devant des palais dans un Triomphe de Titus et de Vespasien de la fin du XVe siècle, dans un décor de théâtre dessiné par Raphaël […] » (Tours 1500). Cependant, la toiture extrêmement pentue, recouverte d’ardoise, est un signe typique de l’architecture française. Dès sa création, cette conception unique a certainement contribué à la renommée du monument.

Crédit : Archives départementales d’Indre-et-Loire. numéro d’inventaire 8Fi0035

La composition de la façade à caractère hybride est tout à fait fidèle aux débuts de l’architecture Renaissance en France. On retrouve cet art de l’ornementation sur plusieurs façades des châteaux de la Loire. On observe la rémanence des éléments gothiques flamboyants (pignons triangulaires et pinacles ornés de crochets et de fleurons, chou frisé, motifs trilobés…) et l’émergence d’un style d’ornements issu de la Renaissance italienne d’inspiration antique (rinceaux, candélabres, frises d’oves et de dards, pilastres cannelés, couronnes et médaillons, corbeilles de fruits, rubans, niches à coquilles, dauphins…) que l’on retrouve dans de nombreux palais vénitiens ou monuments de Florence.

3.     L’hôtel Renaissance devient Hôtel Goüin

L’identité des commanditaires a longtemps fait l’objet d’attributions erronées en admettant Jean Barillet de Xaincoings comme l’illustre propriétaire. Grâce aux recherches actuelles de Samuel Riou, de nouvelles affiliations apparaissent et plusieurs hauts dignitaires semblent plus crédibles tels Victor et Nicolas Gaudin. Les architectes demeurent cependant méconnus. La propriété est passée aux mains des plus riches familles tourangelles (Barguin, Gardette, Compain…) jusqu’à l’installation des Goüin au XVIIIe siècle.

Crédit : S.Frémont

Henri-François Goüin, fondateur de la banque éponyme, est l’heureux acquéreur de l’Hôtel en mars 1738. L’Hôtel Renaissance devient ainsi l’Hôtel Goüin. La famille en reste propriétaire jusqu’en 1925 avant d’en faire don à la Société Archéologique de Touraine qui souhaite y aménager un musée. Le site est ravagé en 1940 quand la ville de Tours s’embrase sous les tirs des armées allemande et française. L’édifice est classé Monument historique en 1941 et renait de ses décombres dans les années cinquante à l’issue d’une reconstruction spectaculaire.

Il fait aujourd’hui partie des monuments du Conseil départemental d’Indre-et-Loire et accueille chaque année des expositions temporaires dédiées à l’art.